Journal "Réformés"
Articles publiés dans le magasine Réformés, pages enfants
https://www.reformes.ch/source/reformes-le-journal
Réformés est un journal indépendant financé par les Eglises réformées suisses des cantons de Vaud, Neuchâtel, Genève, Berne et Jura. Soucieux des particularités régionales romandes, ce mensuel présente un regard protestant ouvert aux enjeux contemporains. Fidèle à l'Evangile, il s'adresse à la part spirituelle de tout être humain.
Depuis octobre 2021, je suis chargé de la page enfants : chaque mois, on retrouve dans le magasine une histoire originale à destination du public adolescent ou enfant.
Au bout du chemin - Septembre 2025
Au temps des mythes vivait un homme appelé Orphée. Il était le fils d’une déesse de la musique. Très jeune, on lui avait offert une lyre. Depuis ce jour ses chansons calmaient les animaux les plus sauvages : l’ours ou le lion se couchaient à ses pieds, bercés par sa musique.
Orphée ne pensait qu’à la poésie, aux chants. Un jour, il rencontra Eurydice. Celle-ci fut charmée par sa musique et Orphée la voyant danser en tomba immédiatement amoureux.
Quelques semaines plus tard eut lieu le mariage entre les deux amoureux. Ce ne fut durant cette journée que joies, danse et musiques…
Dans la soirée, Orphée et Eurydice se rendirent au bord de la mer toute proche pour y écouter le concert des sirènes. Sur le chemin, Eurydice marcha trop près d’un serpent qui la mordit à la cheville. Le venin du reptile la tua en quelques minutes sans qu’Orphée ne puisse rien faire.
Eurydice fut emmenée aux Enfers part le dieu Hermès pour y rester après sa mort pour l’éternité. Orphée resta seul et triste. Ce jour il avait connu à la fois la plus grande des joies et la plus grande des tristesses.
Il resta de longues semaines, abattu par le chagrin. Il ne composait plus aucune musique, il ne chantait plus et ne parlait que de sa chère Eurydice, morte et partie pour toujours.
Il décida alors de se rendre sous terre, aux Enfers, pour aller y chercher Eurydice.
Il pénétra dans la grotte la plus profonde de Grèce et un sombre chemin le mena à la porte des Enfers : le royaume du dieu Hadès. Cette lourde porte de fer était gardée par Cerbère, un gigantesque et monstrueux chien à trois têtes. La bête se jeta sur lui, grognant et grondant… Orphée aussitôt se mit à jouer de la lyre et le féroce gardien se coucha à ses pieds.
Orphée se dirigea vers le noir palais d’Hadès Il croisa de nombreuses créatures effrayantes, mais Orphée n’eut pas peur et ne perdit pas courage : il jouait de son instrument et il arriva alors devant le trône du dieu des Enfers.
« Que viens-tu faire ici mortel ! ,gronda Hadès. Comment toi vivant, tu oses entrer dans mon royaume ?
- Seigneur Hadès, je viens pour ramener sur terre ma bien-aimée Eurydice, elle est morte le jour de notre mariage et je ne peux vivre sans elle, lui répondit alors Orphée. Laissez moi vous divertir de ma musique, et en échange je souhaiterais pouvoir revoir Eurydice. »
Le musicien joua alors une magnifique chanson pour le dieu des Enfers, celui-ci se laissa bercer par cette musique et se mit à sourire, à rêver comme il ne l’avait plus fait depuis des siècles.
A la fin de la chanson, Hadès accepta la demande du musicien :
« Tu pourras ressortir des Enfers avec Eurydice, elle te suivra, mais tu ne devras ni lui parler, ni la regarder tant que vous n’aurez pas atteint la sortie de mon royaume. Si tu me désobéis, elle restera aux Enfers. »
Et c’est ainsi qu’Orphée retourna sur terre, Eurydice derrière lui. Tous les deux ils se dirigeaient vers la sortie de la grotte et la lumière du jour. Orphée entendait les pas légers de sa chère Eurydice, il sentait presque son parfum… La lumière du soleil n’était plus très loin, elle réchauffait déjà le visage du musicien. Il allait enfin revoir son épouse. Ne pouvant retenir sa joie plus longtemps, Orphée se retourna… mais trop tôt, Eurydice était encore dans l’ombre de la grotte et disparut dans une brume sombre, à jamais loin des bras d’Orphée.
Illustrateur :
Mathieu Paillard
Une poussière dans l'oeil - Juillet/Août 2025
Une poussière dans l’œil.
Depuis quelques semaines, Luigi passe beaucoup trop de temps face aux écrans : la télévision, sa tablette, l’ordinateur de son grand-frère. Ses parents en ont assez et cela crée des tensions chaque jour.
Les vacances arrivent et Luigi va passer du temps devant les écrans, tout en grognant toute la journée qu’il s’ennuie, qu’il n’a du temps pour rien, qu’il n’a envie de rien… Et pourtant dès qu’il a du temps libre c’est pour le passer devant les écrans. Sandra sa mère n’en peut plus et cette fois elle a décidé de prendre les choses en main : elle réduit le temps passé devant la télévision, elle range la tablette et remise même son portable le plus possible loin d’elle pour montrer l’exemple à son fils.
Bref, pour Luigi une journée insupportable va commencer.
Pietro, le grand-père de Luigi est venu lui rendre visite. Après avoir discuté avec Sandra, il décide d’emmener son petit-fils en promenade. Ensemble, ils parcourent les allées d’un vide grenier. Luigi aime beaucoup son grand-père mais il a du mal à trouver de l’intérêt devant tous ces étals… jusqu’au moment où il voit d’étranges jouets et figurines posés sur une table d’exposition.
Son grand-père remarque que son petit-fils est très intéressé par ces jouets anciens posés là, sur une grande nappe bleue.
Luigi observe avec attention divers jouets en bois, des plateaux de jeux avec des jetons, quelques petites figurines bleues à bonnets blancs… Son grand-père lui demande ce qui lui plairait d’acheter sur cette table, mais Luigi bien qu’intéressé est bien incapable de nommer les objets qui lui plaisent…
« C’est entendu, Madame, nous allons prendre ce plateau de jeu du Nain Jaune, ainsi que ces trois Schtroumpfs.
- Trop, bien, merci papy »
De retour chez son grand-père Luigi est content mais il ne sait pas vraiment comment on joue à ce jeu au drôle de nom. Son grand-père remarque qu’il manque quelques cartes pour y jouer, mais ce n’est pas un souci, il suffit de remplacer les cartes un peu jaunies par un nouveau jeu de cartes neufs dont il a quelques exemplaires dans un placard.
Son grand-père explique à Luigi les règles de ce jeu, qu’il a lui-même connu enfant.
Jeanne, la grand-mère de Luigi rentrant du marché entend de grands éclats de rires dans le salon et découvre Luigi et son grand-père en train de jouer.
« Pour une surprise, c’en est une belle, papy est retombé en enfance ! »
Après le dîner, Luigi accompagne son grand-père dans le grenier et découvre d’autres surprises : de vieux cartons dans lequel Pietro a conservé quelques jouets de son enfance et de nombreux jouets de son fils Alain, le père de Luigi.
C’est ainsi qu’oubliés au fond d’un carton, Luigi retrouve par exemple des schtroumpfs supplémentaires, une boite à musique poussiéreuse mais qui fonctionne encore, quelques bandes dessinées qu’il ne connaissaient pas, des yoyos et des billes dans un vieux sac de cuir…
« Ah que de souvenirs ces billes… Tu vois mon petit, ce sac de billes, m’a distrait pendant des années dans la cour de l’école ou de la ferme où je vivais quand j’avais ton âge », se rappelle avec émotions Pietro, qui ne peut s’empêcher de couler sa petite larme.
« Mais papy, tu pleures ?
- C’est juste une poussière dans l’œil, mon petit », répond alors le grand-père qui éclate de rire !
Illustrateur :
Mathieu Paillard
Eurovision... Juin 2025
Le troisième week-end de mai, à Bâle, a lieu le concours Eurovision. Depuis quelques semaines déjà c’est l’effervescence dans la classe de Mme Pétronille à ce sujet.
Les élèves ont visionné chez eux, certaines vidéos des concurrents. Bien entendu la plupart des élèves soutiennent la candidate suisse et connaissent déjà des couplets de sa chanson par cœur, cependant certains pour diverses raisons soutiennent d’autres candidats ou candidates.
Malik soutient le groupe de son pays l’Albanie, il aime bien la mise en scène et les paroles. Il aime écouter et voir chanter des artistes albanais sur la RTS lors d’une grande soirée comme celle-ci. Ce n’est pas si souvent et ainsi ses camarades peuvent découvrir une partie de sa culture par exemple.
Luisa, d’origine portugaise aime également cette manifestation musicale et lorsque l’Eurovision arrive elle sait que les vacances au Portugal chez sa grand-mère Maria ne sont plus très longues à attendre.
En début de semaine, Mme Pétronille, propose à ces élèves de voter pour les candidats comme s’il était le jury. Ainsi chaque vote donnera des points échelonnés de zéro à douze, mais dans un souci pédagogique, il faudra que les élèves puissent argumenter leurs choix et ne pas se contenter d’un simple « j’aime ou je n’aime pas ».
Les apprentis jury visionnent les groupes, candidates et candidates de nouveau chaque matin précédant les demi-finales, puis le lendemain, le vote des élèves est comparé à celui du véritable jury.
Le vendredi précédant la grande finale, les élèves sont surpris des résultats parfois très différents entre leur classe et le jury officiel.
Milo ne comprend pas du tout pourquoi le candidat serbe, un des préférés de la classe n’a pas été retenu. D’autres élèves quant à eux trouvent que c’est normal. Assez rapidement les élèves se rendent bien compte que les impressions et les ressentis laissés par une chanson, un ou une candidate ou l’interprétation ne sont pas les mêmes pour tous.
« Et pourtant on a tous entendu et vu la même chose », remarque alors Luis. « je suis espagnol, mais je n’ai pas aimé la chanson de la candidate de mon pays mais j’ai préféré les Suédois qui sont trop drôles avec leur chanson du sauna ! » Ajoute-t-il dans un grand rire.
« Et l’Estonien qui fait semblant de parler italien ? Répond Matteo. Au début je le trouvais ridicule mais peut être qu’il fait rire autant les estoniens de son pays que les Italiens ! »
Lisa fait remarquer que finalement de nombreux candidats ou candidates chantent des couplets ou toute leur chanson en Français : « c’est plus varié, ça change de l’anglais, et on comprend plus facilement les paroles. ».
Finalement tous les élèves attendent impatients la soirée du samedi, mais rares seront ceux qui connaîtront le nom du pays vainqueur avant le lendemain, car même un samedi soir ils ne veilleront pas aussi tard.
Illustrateur :
Mathieu Paillard
RTS : radio télévision suisse :o)
Made in Switzerland, l'hymne devenu viral !
https://www.youtube.com/watch?v=GhFNPLgK6Mw
Se contenter de ce que l'on a - Mai 2025
Il y a bien longtemps, les animaux vivaient en royaumes organisés, au sud fertile et herbeux les herbivores : lapins, brebis et moutons, vaches et taureaux, au nord dans les froides et sombres forêts, les renards. les loups, les ours.
Un jour, un renard sorti de la forêt et découvrit le royaume des lapins. Il pouvait gambader dans les champs de carottes et de betteraves, goûter à de succulentes fraises.
Cependant, même s’il fut plutôt bien accueilli par les lapins à son arrivée, ceux-ci le trouvèrent un peu trop gourmand. Le renard, qui sentait qu’il n’était plus le bienvenu eut alors une idée :
« Seigneurs lapins, pardonnez-moi, je devrais peut être vous inviter chez moi et vous faire découvrir les fraises des bois, les mûres et tant d’autres bonnes choses que je souhaiterais échanger avec vous ».
Les lapins acceptèrent et c’est ainsi qu’ils découvrirent la forêt et les fruits merveilleux décrits par le renard. Cependant cette forêt n’était pas sans dangers…
Certains lapins ne revinrent jamais de la forêt et d’autres renards sortirent de la forêt pour envahir le royaume des lapins et piller leurs jardins.
« C’en est assez !, dit un jour le roi des lapins, il nous faut chasser ces renards qui volent nos légumes et enlèvent nos amis pour les dévorer dans la forêt… »
Les lapins envoyèrent des messagers au royaume des moutons afin d’y chercher de l’aide contre les renards. En effet, les béliers aux fortes cornes recourbés renvoyèrent rapidement les renards apeurés dans leur forêt.
L’aide apportées par les moutons rendit la vie plus agréable aux lapins, cependant, après avoir chassé les renards de leur royaume, ils durent verser un impôt aux moutons de manière régulière en échange de leur protection : de l’herbe verte et fraiche, de bons légumes…
De retour dans la forêt, les renards se remirent à chasser les insectes, à manger les fruits de la forêt, mais les bons légumes et les petits lapins qui n’étaient plus au menu leur manquèrent rapidement.
C’est alors qu’un prince renard eut l’idée de partir vers le nord de la forêt pour demander l’aide des loups.
Quelques jours plus tard, une nuit de pleine lune, le renard arriva au royaume des loups.
Un peu intimidé, il présenta à leur roi son projet : les mener vers des terres riches, plus chaudes, et remplies de gibiers : ils pourraient aider les renards à conquérir les terres des lapins, en échange, les moutons seraient pour eux seuls…
Ainsi débuta la grande guerre de la forêt… Les moutons se mirent à fuir devant les loups, abandonnant les pauvres lapins, après avoir profité de leurs jardins.
Les renards d’abord vainqueurs se rendirent compte que les loups voulaient régner sur toute la forêt et les prairies sans partage.
Le royaume des lapins s’effondra, depuis ce jour, ils se cachent dans des terriers et n’ont plus de jardin, les moutons ont fuit dans les bergeries des hommes pour y trouver des protecteurs qui les tondent, et les renards dorénavant ont appris à se contenter de ce que la forêt leur offre, évitant autant que possible les loups...
Illustrateur :
Mathieu Paillard
La raison du plus fort - Avril 2025
Aujourd’hui, Mme Pétronille propose à ses élèves une nouvelle poésie, une fable plus précisément, celle "du loup et de l’agneau", écrite par Jean de la Fontaine.
Les élèves l’écoutent attentivement, il y est question d’un loup qui mange un innocent agneau après l’avoir accusé de plusieurs choses.
Le loup sermonne d’abord le pauvre petit animal et lui dit qu’à cause de lui l’eau de la rivière est troublée et qu’il ne peut plus boire une eau claire. L’agneau se défend, prouve sa bonne foi en expliquant qu’il se désaltère très loin du loup, et qu’il ne le gêne pas.
Le loup l’accuse ensuite d’avoir dit du mal de lui l’année d’avant et d’avoir été irrespectueux, mais le petit agneau n’était même pas né à cette période.
Enfin il explique que de toute façon, les agneaux et les moutons, sans oublier les bergers et leurs chiens lui rendent la vie impossible.
Pur conclure la conversation, l’animal sauvage se jette sur l’agneau et l’emporte pour le dévorer dans la forêt.
Pierre l’un des élèves semble attristé et surtout ne comprend pas très bien pourquoi cette fable se finit aussi mal : « D’habitude les poésies sont plus joyeuses… ».
La maîtresse explique qu’une fable est un type bien précis de texte. A l’époque où elle a été écrite, il était compliqué de critiquer par exemple le roi ou les nobles ou leurs comportements inacceptables, et c’est pour cela que Jean de la Fontaine mettait en scène des animaux.
Après quelques instants, les élèves posent de nombreuses questions.
« Maitresse, pourquoi est-ce que la fable commence par la raison du plus fort est toujours la meilleure ?
- Le loup est le plus fort de l’histoire ? C’est bien cela ?
- Pourtant il accuse l’agneau à tort et finit par le manger. Pourquoi avoir trouvé autant d’excuses ?
- Il n’avait qu’à le manger immédiatement !
- Cela veut dire que si on est fort on a forcément raison et que l’on a tous les droits ? »
Mme Pétronille explique la morale de cette histoire contenue dans la phrase débutant la fable. L’auteur voulait expliquer que nombre de comportements inacceptables de son époque comme l’exploitation de la misère par les riches, les procès qui donnaient raisons aux nobles et aux puissants étaient nombreux.
Ce n’était pas toujours la justice qui l’emportait, mais plutôt le pouvoir et la richesse. À l’époque, l’auteur ne pouvait pas dire franchement que tous ces comportements l’horrifiaient et le mettaient en colère, ainsi il espérait instruire les hommes, les amener au changement en mettant en scène des animaux.
Malgré les explications de la maîtresse, certains élèves se posent encore beaucoup de questions.
« Est-ce encore comme ça de nos jours ? S’inquiète alors Paul.
- Pas trop en Suisse, mais dans d’autres pays, ça existe sûrement, ajoute Théodore, un autre élève.
- Effectivement, dans de nombreuses situations des gens puissants ou riches, des dirigeants de certains pays abusent de leur pouvoir et se comportent comme le loup de la fable… » Soupire Mme Pétronille.
Illustrateur :
Mathieu Paillard