Journal "Réformés"
Articles publiés dans le magasine Réformés, pages enfants
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Réformés est un journal indépendant financé par les Eglises réformées suisses des cantons de Vaud, Neuchâtel, Genève, Berne et Jura. Soucieux des particularités régionales romandes, ce mensuel présente un regard protestant ouvert aux enjeux contemporains. Fidèle à l'Evangile, il s'adresse à la part spirituelle de tout être humain.
Depuis octobre 2021, je suis chargé de la page enfants : chaque mois, on retrouve dans le magasine une histoire originale à destination du public adolescent ou enfant.
Eurovision... Juin 2025
Le troisième week-end de mai, à Bâle, a lieu le concours Eurovision. Depuis quelques semaines déjà c’est l’effervescence dans la classe de Mme Pétronille à ce sujet.
Les élèves ont visionné chez eux, certaines vidéos des concurrents. Bien entendu la plupart des élèves soutiennent la candidate suisse et connaissent déjà des couplets de sa chanson par cœur, cependant certains pour diverses raisons soutiennent d’autres candidats ou candidates.
Malik soutient le groupe de son pays l’Albanie, il aime bien la mise en scène et les paroles. Il aime écouter et voir chanter des artistes albanais sur la RTS lors d’une grande soirée comme celle-ci. Ce n’est pas si souvent et ainsi ses camarades peuvent découvrir une partie de sa culture par exemple.
Luisa, d’origine portugaise aime également cette manifestation musicale et lorsque l’Eurovision arrive elle sait que les vacances au Portugal chez sa grand-mère Maria ne sont plus très longues à attendre.
En début de semaine, Mme Pétronille, propose à ces élèves de voter pour les candidats comme s’il était le jury. Ainsi chaque vote donnera des points échelonnés de zéro à douze, mais dans un souci pédagogique, il faudra que les élèves puissent argumenter leurs choix et ne pas se contenter d’un simple « j’aime ou je n’aime pas ».
Les apprentis jury visionnent les groupes, candidates et candidates de nouveau chaque matin précédant les demi-finales, puis le lendemain, le vote des élèves est comparé à celui du véritable jury.
Le vendredi précédant la grande finale, les élèves sont surpris des résultats parfois très différents entre leur classe et le jury officiel.
Milo ne comprend pas du tout pourquoi le candidat serbe, un des préférés de la classe n’a pas été retenu. D’autres élèves quant à eux trouvent que c’est normal. Assez rapidement les élèves se rendent bien compte que les impressions et les ressentis laissés par une chanson, un ou une candidate ou l’interprétation ne sont pas les mêmes pour tous.
« Et pourtant on a tous entendu et vu la même chose », remarque alors Luis. « je suis espagnol, mais je n’ai pas aimé la chanson de la candidate de mon pays mais j’ai préféré les Suédois qui sont trop drôles avec leur chanson du sauna ! » Ajoute-t-il dans un grand rire.
« Et l’Estonien qui fait semblant de parler italien ? Répond Matteo. Au début je le trouvais ridicule mais peut être qu’il fait rire autant les estoniens de son pays que les Italiens ! »
Lisa fait remarquer que finalement de nombreux candidats ou candidates chantent des couplets ou toute leur chanson en Français : « c’est plus varié, ça change de l’anglais, et on comprend plus facilement les paroles. ».
Finalement tous les élèves attendent impatients la soirée du samedi, mais rares seront ceux qui connaîtront le nom du pays vainqueur avant le lendemain, car même un samedi soir ils ne veilleront pas aussi tard.
Illustrateur :
Mathieu Paillard
RTS : radio télévision suisse :o)
Made in Switzerland, l'hymne devenu viral !
https://www.youtube.com/watch?v=GhFNPLgK6Mw
Se contenter de ce que l'on a - Mai 2025
Il y a bien longtemps, les animaux vivaient en royaumes organisés, au sud fertile et herbeux les herbivores : lapins, brebis et moutons, vaches et taureaux, au nord dans les froides et sombres forêts, les renards. les loups, les ours.
Un jour, un renard sorti de la forêt et découvrit le royaume des lapins. Il pouvait gambader dans les champs de carottes et de betteraves, goûter à de succulentes fraises.
Cependant, même s’il fut plutôt bien accueilli par les lapins à son arrivée, ceux-ci le trouvèrent un peu trop gourmand. Le renard, qui sentait qu’il n’était plus le bienvenu eut alors une idée :
« Seigneurs lapins, pardonnez-moi, je devrais peut être vous inviter chez moi et vous faire découvrir les fraises des bois, les mûres et tant d’autres bonnes choses que je souhaiterais échanger avec vous ».
Les lapins acceptèrent et c’est ainsi qu’ils découvrirent la forêt et les fruits merveilleux décrits par le renard. Cependant cette forêt n’était pas sans dangers…
Certains lapins ne revinrent jamais de la forêt et d’autres renards sortirent de la forêt pour envahir le royaume des lapins et piller leurs jardins.
« C’en est assez !, dit un jour le roi des lapins, il nous faut chasser ces renards qui volent nos légumes et enlèvent nos amis pour les dévorer dans la forêt… »
Les lapins envoyèrent des messagers au royaume des moutons afin d’y chercher de l’aide contre les renards. En effet, les béliers aux fortes cornes recourbés renvoyèrent rapidement les renards apeurés dans leur forêt.
L’aide apportées par les moutons rendit la vie plus agréable aux lapins, cependant, après avoir chassé les renards de leur royaume, ils durent verser un impôt aux moutons de manière régulière en échange de leur protection : de l’herbe verte et fraiche, de bons légumes…
De retour dans la forêt, les renards se remirent à chasser les insectes, à manger les fruits de la forêt, mais les bons légumes et les petits lapins qui n’étaient plus au menu leur manquèrent rapidement.
C’est alors qu’un prince renard eut l’idée de partir vers le nord de la forêt pour demander l’aide des loups.
Quelques jours plus tard, une nuit de pleine lune, le renard arriva au royaume des loups.
Un peu intimidé, il présenta à leur roi son projet : les mener vers des terres riches, plus chaudes, et remplies de gibiers : ils pourraient aider les renards à conquérir les terres des lapins, en échange, les moutons seraient pour eux seuls…
Ainsi débuta la grande guerre de la forêt… Les moutons se mirent à fuir devant les loups, abandonnant les pauvres lapins, après avoir profité de leurs jardins.
Les renards d’abord vainqueurs se rendirent compte que les loups voulaient régner sur toute la forêt et les prairies sans partage.
Le royaume des lapins s’effondra, depuis ce jour, ils se cachent dans des terriers et n’ont plus de jardin, les moutons ont fuit dans les bergeries des hommes pour y trouver des protecteurs qui les tondent, et les renards dorénavant ont appris à se contenter de ce que la forêt leur offre, évitant autant que possible les loups...
Illustrateur :
Mathieu Paillard
La raison du plus fort - Avril 2025
Aujourd’hui, Mme Pétronille propose à ses élèves une nouvelle poésie, une fable plus précisément, celle du loup et de l’agneau, écrite par Jean de la Fontaine.
Les élèves l’écoutent attentivement, il y est question d’un loup qui mange un innocent agneau après l’avoir accusé de plusieurs choses.
Le loup sermonne d’abord le pauvre petit animal et lui dit qu’à cause de lui l’eau de la rivière est troublée et qu’il ne peut plus boire une eau claire. L’agneau se défend, prouve sa bonne foi en expliquant qu’il se désaltère très loin du loup, et qu’il ne le gêne pas.
Le loup l’accuse ensuite d’avoir dit du mal de lui l’année d’avant et d’avoir été irrespectueux, mais le petit agneau n’était même pas né à cette période.
Enfin il explique que de toute façon, les agneaux et les moutons, sans oublier les bergers et leurs chiens lui rendent la vie impossible.
Pur conclure la conversation, l’animal sauvage se jette sur l’agneau et l’emporte pour le dévorer dans la forêt.
Pierre l’un des élèves semble attristé et surtout ne comprend pas très bien pourquoi cette fable se finit aussi mal : « D’habitude les poésies sont plus joyeuses… ».
La maîtresse explique qu’une fable est un type bien précis de texte. A l’époque où elle a été écrite, il était compliqué de critiquer par exemple le roi ou les nobles ou leurs comportements inacceptables, et c’est pour cela que Jean de la Fontaine mettait en scène des animaux.
Après quelques instants, les élèves posent de nombreuses questions.
« Maitresse, pourquoi est-ce que la fable commence par la raison du plus fort est toujours la meilleure ?
- Le loup est le plus fort de l’histoire ? C’est bien cela ?
- Pourtant il accuse l’agneau à tort et finit par le manger. Pourquoi avoir trouvé autant d’excuses ?
- Il n’avait qu’à le manger immédiatement !
- Cela veut dire que si on est fort on a forcément raison et que l’on a tous les droits ? »
Mme Pétronille explique la morale de cette histoire contenue dans la phrase débutant la fable. L’auteur voulait expliquer que nombre de comportements inacceptables de son époque comme l’exploitation de la misère par les riches, les procès qui donnaient raisons aux nobles et aux puissants étaient nombreux.
Ce n’était pas toujours la justice qui l’emportait, mais plutôt le pouvoir et la richesse. À l’époque, l’auteur ne pouvait pas dire franchement que tous ces comportements l’horrifiaient et le mettaient en colère, ainsi il espérait instruire les hommes, les amener au changement en mettant en scène des animaux.
Malgré les explications de la maîtresse, certains élèves se posent encore beaucoup de questions.
« Est-ce encore comme ça de nos jours ? S’inquiète alors Paul.
- Pas trop en Suisse, mais dans d’autres pays, ça existe sûrement, ajoute Théodore, un autre élève.
- Effectivement, dans de nombreuses situations des gens puissants ou riches, des dirigeants de certains pays abusent de leur pouvoir et se comportent comme le loup de la fable… » Soupire Mme Pétronille.
Illustrateur :
Mathieu Paillard
Les règles du jeu - Mars 2025
C’est la rentrée des classes après les fêtes de Noël. Il a neigé la veille. Des élèves roulent des boules de neige pour réaliser des bonhommes. D’autres forment des boules plus petites pour une bataille de boules de neige.
C’est Mme Pétronille qui surveille la cour ce matin. Malgré le froid, elle aime ces moments passés dehors à regarder les élèves, surtout les plus petits, jouer dans la neige.
Tandis que beaucoup jouent gaiement, certains se sont regroupés en cercle sous le préau, serrés les uns contre les autres… Tout à coup, des cris puis une dispute éclatent dans ce groupe.
La maîtresse se dirige rapidement vers les élèves afin de se rendre compte de la situation et de calmer les tensions. A son arrivée, la dispute semble tout à coup s’arrêter. Et si certains élèves sont très énervés, d’autres sont redevenus étrangement calmes tout à coup, les mains dans les poches.
«Que se passe-t-il? demande alors Mme Pétronille.
– Rien, rien…
– Mais si, tu triches. Tu m’as pris mes cartes Monemon alors que ce n’est pas comme cela que l’on joue.
– Non, même pas vrai…
– Et moi, je te dis que ta carte n’était pas plus forte que la mienne. Tu n’aurais pas dû gagner le duel.
– Si, et en cas de duel perdu, tu dois donner ta carte.
– Mais moi, je ne joue pas pour de vrai… Quand on perd, on peut garder sa carte.»
Mme Pétronille comprend de quoi il s’agit. Elle insiste alors pour que chacun récupère ses cartes, puis explique aux élèves qu’il faudrait qu’ils se mettent d’accord sur les règles du jeu car il semble que chacun ait les siennes. La cloche sonne et la récréation se termine.
En rentrant en classe, les élèves sont encore en train de se chamailler à propos de leurs cartes.
Dans les vestiaires, l’un d’eux sort de son sac une grosse boîte en métal contenant un grand nombre de cartes et des élèves se précipitent vers ce collectionneur pour lui proposer des échanges.
«Ça suffit. On arrête avec ces cartes et on va prendre un moment pour fixer des règles entre vous et éviter ces disputes», propose alors la maîtresse.
Les élèves s’assoient à leur table et Mme Pétronille organise un débat où chacun pourra d’abord expliquer ce que sont ces cartes puis les règles des duels qui permettent ou non de remporter la carte de son adversaire.
Les élèves ne sont pas d’accord sur de nombreux points et ce nouveau jeu de cartes, arrivé dans la hotte du Père Noël durant les fêtes, risque de poser de nombreux soucis dans la cour de récréation.
Mme Pétronille propose aux élèves de créer des règles du jeu valables pour tous afin qu’il n’y ait pas de conflits permanents: «Jouer ensemble est un moment convivial. Si cela devient une situation de conflit permanent, ces cartes devront rester à la maison!» indique-t-elle. Et c’est ainsi que les cartes sont restées à la maison durant une semaine, le temps que les élèves rédigent ensemble des règles du jeu permettant à chacun de jouer sans risque de dispute ou de tricherie.
Illustrateur :
Mathieu Paillard
Une niche vide - Février 2025
Depuis quelque temps, les disputes entre élèves pendant la récréation semblent se multiplier et Mme Pétronille doit sans cesse intervenir ou régler des conflits au moment de rentrer en classe.
Ronan, un élève jusque-là sans histoire a changé de comportement : avec les autres les relations sont difficiles et ses résultats scolaires ne sont plus aussi bons qu’avant.
Mme Pétronille décide de rencontrer ses parents et leur parler de ses difficultés. Durant l’entretien les parents de Ronan ne comprennent pas vraiment ce brusque changement de comportement. Au bout de trente minutes, Mme Pétronille termine l’entretien, ne sachant pas vraiment quoi dire de plus…
Quelques jours plus tard, le doyen appelle la maîtresse pour lui indiquer que la famille de Ronan va déménager à l’étranger. Mme Pétronille comprend mieux la situation. Durant la récréation elle tente d’en parler avec Ronan qui se met à pleurer.
Mme Pétronille rencontre à nouveau les parents de Ronan. Elle leur indique qu’elle est au courant pour le déménagement et à ce moment-là, les parents parlent de leur projet de départ : la mère de Ronan est irlandaise, elle souhaiterait retourner dans son pays d’origine et quitter la Suisse. Le père de Ronan a trouvé un très bon emploi là-bas. Ronan sait qu’il va devoir déménager, et semble-t-il, n’est pas d’accord, depuis ses parents n’osent plus lui en parler. Mme Pétronille comprend pourquoi Ronan est si perturbé : il va changer de pays, d’école, de logement, il a peur de perdre ses copains, sans oublier son chien qu’il aime tant.
La maîtresse conseille aux parents d’associer leur fils aux préparatifs du déménagement, car le laisser dans l’incertitude ne ferait que le rendre plus inquiet. À neuf ans, Ronan a besoin de comprendre pour accepter ce départ.
Quelques jours plus tard, la maîtresse propose à chaque élève un exposé concernant sa famille, ses origines… Ronan se porte rapidement volontaire pour présenter le pays natal de sa maman.
Durant les relâches, les parents de Ronan l’ont emmené visiter la ville où ils déménageront. Ronan y a découvert des cousins du même âge que lui, avec qui il ira à l’école.
A la rentrée, Mme Pétronille propose une correspondance scolaire avec une école irlandaise. Le hasard fait bien les choses : elle a pu prendre contact avec une enseignante de français de la future école de Ronan.
Petit à petit, Ronan devient plus joyeux et le départ ne semble plus l’inquiéter autant. Les relations avec ses camarades s’apaisent.
Un matin du mois de juin, Ronan arrive en courant dans la classe de la maîtresse. Il lui montre des photos de sa future maison, de sa chambre déjà meublée et surtout, une photo d’une jolie niche au milieu de la pelouse de son futur jardin… Il va pouvoir emmener avec lui son chien. Il n’a plus peur de déménager. Il sait qu’il gardera ses liens avec la Suisse, sa famille, son école, ses camarades.
Illustrateur
Mathieu Paillard