L'atelier du Sanctuaire

L'atelier du Sanctuaire

De Kamijarvi à Bhagalpur

Série de dix poèmes (à l'origine), écrite en 1996.

Recueil qui me permit de remporter un concours de poésie. Presque 20 ans plus tard, je numérise enfin ces textes, corrigeant ici ou là quelques infimes détails.


Kamijarvi

KAMIJARVI

 

 

Le vent se lève, et les loups se font entendre ;

La tempête s’acharne sur cette steppe désolée

Qu’aucun soleil ne pourra réchauffer,

Tandis que le renne poursuivi par les hommes

Tente désespérément de fuir ; alors de son poids fait fendre

La glace du lac, qui chaque jour se reforme.

 

Dans ces étendues gelées

Le seul bien que l’hiver ne peut vous prendre

C’est uniquement la liberté ;

Mais sans vous battre vous ne pouvez la défendre.

 

C’est ainsi que l’on vit ici, accablés par le froid

Et par les mercenaires de sanguinaires rois.

Le jour de la défaite, leur secours sera le fjord ;

Car refusant de se soumettre, de s’agenouiller

Devant quelque prince d’Oslo ou de Novgorod

C’est dans ces précipices, pour la liberté, qu’ils iront se jeter.


29/03/2015


La lande

LA LANDE

 

 

Les cheveux au vent, le cœur battant

Le long de la grève, le voilà chevauchant

Sur la lande déserte au milieu des ajoncs

Venue de nulle part s’élève une chanson.

 

Cet air, cette musique, cet éternel refrain

Depuis longtemps chantés par les Elfes et les Nains

C’est, pour la liberté, qu’elle est reprise par les Humains.

 

Ce cavalier errant, ce nomade mythique,

Semble être le seul à sauvegarder la flamme celtique

Plus bas près de la dune, voici la funeste crique

C’est là qu’ont abordé les premiers hérétiques

Bafouant les Dieux, transformant les druides en ridicules comiques.

 

Résistant aux persécutions, aux malheurs,

Protégeant l’étincelle de leurs valeurs,

Ils renferment dans les remparts de leur cœur

Le courage de résister aux Anglais, leurs envahisseurs.


29/03/2015


Manzaranes

MANZARANES

 

 

Ophélie, prise de folie

S’élance alors, puis finalement se rendort.

Ne sachant plus que faire, se précipite au dehors.

 

Cette femme, qui vers vous se déplace

Ne sait plus voir et vers la Mort s’avance.

Telle une bête ivre, s’agitant sous le fouet dans son cirque

C’est, aveugle et sourde aux appels, qu’elle s’engage vers la crique.

 

Enivrée par sa passion, se tordant les mains,

Elle croit apercevoir les ailes des moulins.

La beauté du ciel, les attraits de la vie

Ne peuvent la retenir… Et au bas des rochers,

Son corps est le lendemain retrouvé, brisé.


29/03/2015


Le bal

LE BAL

 

 

Elle est belle, jeune et sortant de l’enfance

Et ne connaît rien d’autre que l’innocence,

Tout : sa taille, son corps et sa douce peau rose,

Lui donnent l’air d’une fleur à peine éclose.

 

Elle ne le connaît pas, mais par lui semble attiré.

Du miel dans la voix, une lueur dans les yeux

Il lui apparaît, et elle en remercie Dieu

Et notre âme s’émeut de les voir déjà liés.

 

Telle une rose fléchissant sous un doux vent

Elle se cambre dans ses bras subissant l’étreinte,

Et lui dans son doux cou sa bouche s’oubliant,

Dévoile de ses lèvres ce qui tuera l’enfant.

 

Alors l’abandonnant à son premier émoi,

Son beau prince, la goûte, la boit ;

Perdant les couleurs de la vie, la fleur s’étiole

Glisse le long du manteau et tombe sur le sol.


29/03/2015


Myrina

MYRINA

 

 

La fraîcheur de l’église contrastait avec le dehors,

Le soleil brûlait cette île de Méditerranée.

Debout dans la nef, le regard flottant sur les ors

Des vitraux, des sculptures, de tous ces chandeliers,

 

Appuyé sur un prie-dieu, j’attendais le cortège,

Et dans les bancs s’échangeaient des regards discrets,

Quelques commentaires et des clins d’œil complices,

Que moi, homme du Nord, ne comprendrai jamais.

 

Dans les vapeurs des cierges, la voila enfin

A la fois majestueuse, humble et superbe.

Pour elle s’élancent cantiques et refrains.

 

Alors je m’approche et dépose, bouleversé,

Dans ses mains, sur sa robe blanche : une rose.

Trop tard pour l’épouser, Hadès m’a devancé.


29/03/2015