L'atelier du Sanctuaire

L'atelier du Sanctuaire

Le porche

LE PORCHE

 

 

Si je me souviens bien, tout a commencé alors que j'avais à peine quinze ans, suite à une banale interrogation écrite en mathématiques.

J'étais loin d'être un génie en cette matière, et si certains de mes camarades avaient la bosse des maths, c'était d'un véritable creux dont j'étais pourvu… J'étais loin d'être stupide, mais disons que je n'étais vraiment pas du type matheux qui comprend tout… Je préférais l'histoire, les légendes, les textes…bref la logique et la rigueur du scientifique n'étaient pas mon fort…Je préférais lire avec délectations mes cours d'histoire ou reconstituer sur des cartes les destins passés ou imaginaires des peuples…

Comme à mon habitude, je venais de sécher totalement devant un énoncé d'arithmétique, la note à n'en pas douter ne serait pas fameuse : je n'atteindrais certainement pas la moyenne. Je rentrai chez moi en tentant d'occulter les acerbes commentaires de mon prof de maths lorsqu'il me rendrait la copie le jeudi suivant. La nuit fut agitée de rêves étranges, dont un qui me ramena aussitôt à mon interro de maths, je subissais les quolibets de mon prof, me rappelant mon incompétence, tandis que la courbe de mes notes figurée au tableau ne cessait de dégringoler à chaque réflexion… Terminant son monologue, il déposa sous mes yeux la copie sur laquelle était inscrit un huit ventru …

Le lendemain je me réveillai un peu déçu de ce rêve ; j'avais l'habitude de ne pas me souvenir de mes nuits, cette fois j'étais verni, le souvenir restait inscrit dans ma mémoire et quel souvenir : une tôle de plus en maths. Je ne savais pas à cette époque de ma vie où me conduirait une telle révélation, je n'y accordai qu'une brève attention mais plus le fameux jeudi approchait et plus je repensais à ce rêve…

Le jeudi vint enfin et le moment de la remise des copies. J'étais anxieux mais tout à la fois étrangement calme. Alors que mes camarades attendaient avec impatience leur note, je restais comme figé. L'un d'eux, Pierre me rabroua du coude en me demandant :

« Qu'est ce que t'as aujourd'hui, d'habitude tu stresses ? Qu'est-ce que tu as à rester aussi calme ? Putain pourvu que j'aie une bonne note…

- Toi je ne sais pas, mais pour moi pas de surprise, j'aurai huit, lui répondis-je d'un air énigmatique, qui me surprend encore- j'en ai rêvé…

Arpentant la salle de cours à grandes enjambées, le prof arriva enfin à ma copie.

-Ralph, tu ne t'es pas forcé cette fois encore, me lança-t-il vertement, tout en s'approchant de moi.

- Vous savez huit ça va, d'habitude j'ai beaucoup moins, lui répondis-je plongeant mon regard dans le sien. »

Le prof fut comme frappé par la foudre, il me tendit ma copie sans rien ajouter. Sur le papier, à côté de mon nom, un huit gras et rouge était inscrit. Pierre fut lui aussi ébahi, il eut tôt fait de répandre la nouvelle lors de la pause. Cette confirmation de mon rêve me laissa dans un état second, je n'osais en parler. Coïncidence ? Calcul raisonné des points devant m'être attribués ? Prémonitions ? Je rejetai d'emblée cette dernière hypothèse… Certes je ne possédais pas un esprit très cartésien de scientifique, mais j'avais tout de même les pieds sur terre.

 

 

Les prémonitions, puisqu'il s'agissait bien de cela, commencèrent dès lors à se manifester. Rêves, pressentiments de toutes sortes, parole performative, prémonitions en état d'éveil qui vous clouaient sur place dans un état second… Toutes ces formes de divinations se présentèrent progressivement à moi. Les années passèrent et ce que je pris, adolescent, comme le fait du hasard, devint un véritable don s'imposant à moi. Malgré ces manifestations étranges, je restai durant des années sceptique, mais je dus malgré cela accepter et reconnaître ce pouvoir qui me terrifie parfois…

 

 

Depuis quelques mois mes nuits sont fréquemment agitées par des songes très particuliers, certains d'entre eux sont de véritables prémonitions, d'autres des rêves sans réelle signification avec cependant un thème récurent : j'y suis pourvu de qualités et de caractères hors du commun…

Dès que ce type de rêves se manifeste, je m'endors dans un état de bien être ou chacune des parties de mon corps semble ne plus avoir la moindre masse ; mon esprit libéré de mon enveloppe charnelle semble alors vouloir s'élever vers les profondeurs de la nuit… Le songe débute toujours par un voyage au travers d'éléments, de visages ou de décors divers et immobiles sur fond de nuit ; au loin une lumière semble m'attirer et me guider…Lorsque je l'atteins enfin, je m'éveille dans une chambre voûtée. Il y fait bon, les murs recouverts d'étoffes resplendissent sous la lumière du jour, que diffuse une haute fenêtre ouverte sur un balcon. Le lit à baldaquins sur lequel je repose est moelleux, de transparentes tentures pourpres y sont suspendues. Face à moi une cage dorée dans laquelle un couple de passereaux bleus lissent leur plumage. Je me lève, avance jusqu'au balcon qui s'ouvre devant moi ; je sens la caresse matinale du soleil sur ma peau, dehors, un jardin exubérant étale ses ramages dans un délire de feuilles et de fleurs qui m'enivrent de leurs effluves. Ce spectacle me charme au point de me mettre en transe, mes pieds s'élèvent progressivement du sol et me voici flottant dans la lumière du matin…Mes mains, mes bras, puis le reste de mon corps me font soudain hurler de douleur, la caresse du matin se change en brûlure, incapable de crier, j'assiste avec terreur à la dissolution lente de ma peau sous les assauts de la lumière…Des bras vigoureux m'agrippent soudain et m'éloignent de cette fenêtre embrasée, dont les volets se fermant avec fracas rendent la chambre aux ombres de la nuit… Je repose à nouveau sur le lit, à mes côtés, une jeune femme panse mes brûlures. Elle est jeune, de longues boucles brunes coulent dans son dos, posant sur moi son regard d'émeraude, elle semble inquiète… Elle me tend un verre de cristal rempli d'une bien étrange liqueur aux reflets de rubis et d'onyx. Je me redresse et porte le verre à mes lèvres…À ce moment là un homme d'une trentaine d'années entre dans la chambre, il porte un élégant costume noir du XIXème siècle, une épaisse chevelure brune tombant de ses épaules, il tend la main vers moi…Le temps semble s'arrêter, la jeune fille me tend également la main, je me relève, le verre glisse de mes doigts et se brise en silence sur le sol…

Le visage de cet homme est la dernière image de ce rêve, je m'éveille souvent à ce moment là. Parfois le rêve se complète par l'anecdote suivante. Assis sur le lit, je médite les yeux fermés, lorsque je les rouvre, sont assises auprès de moi trois jeunes femmes vêtues de longues robes noires, bordées de pourpre, l'une des trois m'est connue puisqu'il s'agit souvent de celle qui me tendait précédemment le verre de liqueur…Elles forment autour de moi un triangle en joignant leurs mains. Récitant d'étranges litanies, elles posent chacune leur tour leur main gauche dans la mienne. Au premier contact, mon corps frémit et des images confuses s'imposent prestement à moi pour aussitôt s'évanouir ; lors du second, je me vois en train de briser une colonne de pierre par la simple force de la pensée, enfin lors du dernier, je lévite et combat d'autres êtres humains… Ce rêve possède plusieurs variantes, mais cependant semble établir une progression de mes connaissances et de mes capacités.

 

Je n'ai à ce jour trouvé aucune signification à ces rêves, mais leur fréquence s'accroît depuis quelques mois, ce parallèlement à des prémonitions de plus en plus explicites. Ne sachant quoi en penser, je préfère n'y accorder qu'un intérêt mineur, tant que cela n'influe pas sur mes rythmes habituels de sommeil et de veille.

Depuis trois jours, la fréquence des rêves s'est accélérée, cela me perturbe et pour l'instant je tente d'en réduire les répercussions sur ma vie diurne.

Je travaille à mi-temps dans une librairie afin de payer mes études, je suis chargé de la section littérature de poche, cela recouvre tous les genres possibles et inimaginables : du roman policier à l'ouvrage historique, en passant même par la littérature érotique ! Depuis quelques jours, le commerce est fermé au public pour cause d'inventaire et de restructuration des rayonnages. Depuis presque une heure et demi, je remplis des cartons d'anciens ouvrages à archiver, puis j'en dispose de plus récents. Le geste devient méthodique et c'est à peine si je remarque les couvertures ou les titres des volumes. Agenouillé, j'entreprends de ranger les plus bas niveaux de la zone occupée par les ouvrages historiques : ma main gauche s'empare des livres que range ma main droite. Ma main explore à nouveau la caisse de livres, l'un d'eux passe devant mes yeux, une violente sensation de brûlure se propage soudain dans mon corps, et je reçois le flash d'une jeune femme en noir que l'on moleste sous un porche à l'extérieur d'une église, elle appelle au secours, tandis que deux hommes la ligotent à un poteau avant de l'enflammer… Le livre m'échappe des mains et la vision aussitôt s'évanouit. Revenant à moi, je ramasse l'ouvrage, en détaille la couverture, puis je parcours rapidement la table des matières : La bourgeoisie bisontine aux XVIIIème et XIXème siècles, de Vivien Blassel. J'ai beau parcourir l'ouvrage, rien ne fait mention d'une quelconque scène ce supplice, il ne s'agit que de monographies de personnes influentes, de photographies ou de gravures de bâtiments, de places et ou bien d'hôtels particuliers… Très intrigué par la violence et la précision de cette vision, je décide d'acheter ce livre pour le parcourir au calme une fois rentré chez moi.

De retour à mon appartement, je prends à peine le temps de manger, d'ouvrir mon courrier que j'entame la lecture du livre qui m'a tant bouleversé. C'est un ouvrage d'historien, mais sa lecture est assez aisée pour le quidam que je suis. Page après page je revis les faillites ou les ascensions des grandes familles bourgeoises de la ville, prenant connaissance du patrimoine encore présent. La lecture de cet ouvrage est agréable, mais pourtant rien ne vient y éveiller ma curiosité ; il me reste environ cent soixante quinze pages à lire sur les trois cent que compte cet ouvrage. Déçu mais cependant curieux de le parcourir, je feuillette rapidement l'ouvrage à la recherche d'un mot, d'une phrase ou d'une illustration qui pourrait éveiller mon attention et comporter un point commun avec la vision qui m'a frappé ce matin… Je ne remarque rien de particulier. Je me mets au lit m'abandonnant au sommeil.

Depuis plus d’une semaine rien n’est venu perturber mes habitudes. J’ai pratiquement terminé de lire l’ouvrage concernant la bourgeoisie. Aucune vision ne s’est imposée à moi. Cette étrange sensation de brûlure me rappelle étrangement celle que j’ai ressentie en rêve, mais quel pourrait bien être le rapport entre le rêve et cette vision ? Le livre ne m’a donné aucun élément.

 

Six jours plus tard. La rue est bruyante et la fête de la musique bat vraiment son plein. Les rues sont bondées. Dans chaque quartier, des orchestres amateurs enchaînent les tubes ou leurs propres compositions. Je m'arrête un instant face à un groupe de péruviens : bonnet de laines, flûtes de pan et tambourins, tout y est, rien ne manque à leur folklore. La nuit est tombée depuis plus d'une heure. La musique semble irréelle, là, sur le parvis de cette haute église baroque. Quel paradoxe que de voir ces péruviens offrir leurs accords et leurs mélodies aux anges de pierres espagnols qui naguère dans d'autres contrées souriaient au supplice de leurs ancêtres incas. Un peu plus loin c'est un groupe de jeunes guitaristes qui séduit les foules, leur chanteuse, une jeune fille d'à peine seize ans, par sa gouaille et son physique de jeune première, mobilise un temps mon attention.

Je marche depuis plus de deux heures dans la rue lorsque soudain je vois un attroupement se former non loin de moi. Qu'y a-t-il donc, je l'ignore. Poussé par la curiosité je m'approche. La foule est compacte mais je parviens cependant à me frayer un chemin; il s'agit d'un groupe de hard rock. Son chanteur, crane rasé, pircings agressifs, égrène d'une voie éraillée des couplets à la gloire du diable. Autour de lui quelques jeunes garçons et jeunes filles éméchés pogottent au son saturé des guitares et d'une batterie; l'ambiance est encore accentuée par les lueurs infernales de fumigènes rouges. Placés au milieu de la rue, le groupe ne laisse qu'un étroit passage aux passants médusés et fascinés par cet étrange spectacle. Je le suis moi aussi à tel point que je ne vois pas la brute ivre qui m'entraîne dans ce cercle en me tirant par le bras. Violemment et involontairement inclus dans cette ronde, j'encaisse mes premiers coups lorsque qu'une jeune fille et son compagnon me prennent pour un punching-ball… Je chute sur les dalles de la rue. Ils se lancent une nouvelle fois à l'assaut ; je ne sais où aller car derrière moi la foule est trop compacte pour me laisser une porte de sortie. Au moment de subir un nouveau choc, je me sens soulever puis mener hors de cette arène. Une fraction de seconde plus tard, je suis hors de danger. Je jette un coup d'œil autour de moi afin de voir qui m'a sorti de ce guêpier. Je ne vois personne auprès de moi. Cependant à plus d'une cinquantaine de mètres, il me semble discerner une haute et sombre silhouette, je la suis. Ma filature dure environ une dizaine de minutes, cet individu le devine puis se prend au jeu, car tantôt il ralentit son rythme tantôt l'accélère. Inconsciemment j'ai l'impression d'entamer avec cette personne un dialogue : je lui dis en pensée que j'aimerais savoir si elle est bien celle qui m'a aidé, j'ai la sensation de recevoir une réponse : oui. Notre dialogue semble si réel que je me surprends à répondre tout haut à ses paroles… Notre marche nous a menés bien loin des artères bruyantes, j'arpente des rues qui me sont inconnues ou presque. L'ombre oblique alors subitement au coin de l'une d'elle, je me presse à sa suite… Elle a disparu.

La ruelle est à peine éclairée par un réverbère ; dans la pénombre je distingue un haut bâtiment de pierre, je m'en approche hésitant. Une clôture rouillée d'à peine un mètre de hauteur s'ouvre sur un jardin d'herbes folles, me voici sous un porche de pierre, de chaque côté, un ange aux yeux clos, prisonnier d'un linceul de lierre. Ma main gauche effleure la tête de l'un d'eux lorsque je ressens alors une violente brûlure, identique à celles de mon flash et de mes rêves. À nouveau une vision s'impose à moi, celle d’un jeune enfant, vêtu en costume du XIXème siècle, ligoté ici même, hurlant afin qu'on lui épargne la vie, regardant avec effroi sa mère s'enflammer sur un bûcher improvisé. La vision s'estompe aussi rapidement. Je me retourne rapidement sentant une présence derrière moi… Un homme me sourit. Son visage anguleux et étrangement blanc, encadré de longs cheveux bruns, éclairé par des yeux si bleus et si irisés me font l'effet d'un étrange souvenir. Il porte un élégant costume noir. Il s'approche de moi et me tend alors la main, il s'agit de Lui. Il existe bien… L'homme de mon troublant rêve… Il traverse le jardin, qui soudain m'apparaît ordonné, les anges semblent reprendre leur aspect d'origine, blancs et débarrassés de la gangue du temps passé. Je comprends alors qu'il est bien celui qui m'a sorti du cercle des pogotteurs, qu'il est également celui que j'ai suivi. Il me parle sans pourtant bouger ses lèvres comme par télépathie, effrayé, je recule sous le porche. Il avance cependant, me tendant toujours la main, m'enjoignant de le rejoindre…

«Ralph, n'aies pas peur, nous nous connaissons, souviens-toi de tes rêves, et du jardin…

- Qui êtes vous ? Vous ne pouvez être réel et partager mes rêves…

- Je le peux. Et toi aussi.

- C'est impossible !

- Nous sommes identiques, tu le sais bien. Ton pouvoir et le mien font que nous serons bientôt à nouveau frères… »

Je ne réponds rien. Et pourtant je comprends peu à peu qu'il a raison… Au moment où je décide de lui tendre moi aussi la main, je le sens soudain contre moi avant même que j'ai pu esquisser un geste de défense. Il me soulève du sol, penche ma tête contre son épaule ; j'étouffe un cri de douleur : il vient de planter ses dents dans mon cou… Je me souviens alors d'une de mes anciennes peurs d'enfants : la morsure du vampire… Souvent je me réveillais en sursaut, hurlant et portant la main à ma gorge à la recherche d'une blessure imaginaire… Je plonge soudain dans une étrange et agréable torpeur, j'entends le rythme affolé de mon cœur qui épuisé ne veut cependant pas céder. Mes oreilles bourdonnent au rythme des pulsations de ma vie qui s'échappe et de celle de mon agresseur. Celui-ci, les lèvres soudées à mon cou, parvient cependant à me conseiller de rester conscient. Les yeux vitreux, perdu dans un sombre brouillard, je tente de fixer mon regard à l'un des anges de pierre… Je me sens basculer, seule la douleur de ma gorge me retient encore au monde des vivants. En un murmure je parviens cependant à dire :

«C'est assez, je m'en vais… Hadrien, sauve moi ou tue moi - me rendant alors compte que je connais son prénom. Tout se passe comme si j'entrevoyais enfin la suite de mon rêve qui depuis si longtemps m'était interdite.

- Tu vivras, bois…»

C'est alors qu'il défait le col de sa chemise et s'entaille la gorge de l'ongle acéré de l'un de ses pouces. Il presse mon visage contre sa blessure ; son sang se répand sur mes lèvres, je n'ose l'absorber, obéissant en cela à de trop vieux principes… Assoiffé, épuisé, je m'y abreuve cependant, hésitant, puis de manière rapide. Son sang devient pour moi semblable à un nectar indispensable à ma propre survie. Mon cœur affaibli reprend une seconde vigueur, son rythme s’amplifie pour enfin battre de concert avec celui d’Hadrien, de nos cœurs unis naît une étrange mélopée aux accents syncopés. La vie à nouveau reflue en moi tel un torrent en crue fécondant une terre asséchée, semblable à cette force impétueuse renversant tout sur son passage, ce sang me ramène à nouveau dans cette chambre haute aux tentures de pourpre, laquelle resplendit d’une lumière rassurante, mais de celle de la lune, Hadrien se trouve auprès de moi sur le balcon, contemplant les étoiles. Une porte s’ouvre doucement derrière nous, une jeune femme au teint pâle entre. Hadrien se retourne.

«Maïra, mon jeune frère est de nouveau parmi nous, nous allons pouvoir parcourir tous ensemble le Jardin Obscur…



12/07/2015

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